Réinventer le numérique

PARTIE 1 – INTRODUCTION, CHATON, ECO-CONCEPTION !

Malgré toutes ses promesses de progrès, le numérique a un impact environnemental à l’image de sa courbe de croissance : vertigineux. Dans cette série d’articles, nous explorerons les défis environnementaux auxquels le secteur IT est confronté, ainsi que les initiatives d’ores-et-déjà en marche pour construire un avenir numérique plus respectueux de l’environnement. On se met au vert ?

De la Lune à votre boîte mail : l’explosion de la consommation numérique

En 1969, l’ordinateur qui a guidé la mission Apollo et permis d’aller sur la Lune avait une mémoire de 72 Ko. C’est avec cette capacité de stockage que l’humanité a réussi à faire un pas de géant, en posant le pied sur un territoire inexploré, à des milliers de kilomètres de la Terre. Aujourd’hui, la taille moyenne d’un e-mail au format HTML est de… 81 Ko. Oui, vous avez bien lu. Un simple e-mail que nous envoyons quotidiennement pèse plus lourd que le système qui a permis à l’homme de marcher sur la Lune.

A votre avis, combien de Ko cette photo ?

Cela donne une idée de l’explosion de la consommation de ressources numériques au cours des dernières décennies. Si la technologie informatique a apporté bon nombre de bénéfices à notre vie quotidienne, cette croissance exponentielle s’accompagne d’un impact environnemental considérable. En 2020, le secteur du numérique représentait entre 2,1 et 3,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, se situant quelque part entre les émissions de tous les avions du monde (environ 2%) et de tous les camions du monde (autour de 4%). Et la tendance n’est pas à la baisse.

Rien qu’en France, à horizon 2030, l’ADEME et l’Arcep estiment que l’empreinte carbone du numérique pourrait augmenter de +45% par rapport à 2020. En 2050, si rien n’est fait, c’est fois 3.

Taux d’évolution des 4 scénarios prospectifs d’émissions de CO2eq du numérique en 2050 (sur tout le cycle de vie) par rapport à 2020 de l’étude ADEME-Arcep

Au-delà du CO2, l’empreinte cachée du numérique

Mais l’impact du numérique ne se limite pas aux émissions de gaz à effet de serre, ce serait trop simple. Il a également des conséquences massives sur la consommation de ressources (métaux, eau, énergie…), en particulier lors de la phase de fabrication. Extraction, transport, transformation, 75% des impacts environnementaux du secteur IT surviennent lors de la fabrication des appareils.

Cette obsolescence du matériel est causée par la couche logicielle : applications, sites web, logiciels, jeux vidéos… Plus un service numérique est lourd, plus l’utilisateur aura besoin de renouveler sa machine pour un appareil plus puissant. A titre d’exemple, le poids médian d’une page web est passé de 14 Ko en 1995, à 500 Ko en 2011, à 2,1 Mo en 2021. 2,1 Mo, c’est à quelques milliers d’octets près le poids du premier jeu vidéo Doom sorti en 1993. Il comportait pourtant du graphisme 3D, un gameplay de tir à la première personne, une dizaine d’ennemis, de la musique… Aujourd’hui, avec 2 Mo on affiche un chaton qui cligne des yeux sur un bandeau publicitaire. Nous avons évolué de la conquête spatiale et des jeux vidéos révolutionnaires à des chatons clignotants. Et tout cela pour quoi ? Pour que vous cliquiez sur une pub de croquettes.

photo d'un chaton qui approche d'un ordinateur
Fluffy, le chaton de 2 Mo qui fait fondre les cœurs et les processeurs

Le problème, ce n’est pas tant les croquettes, ou les chats, ou la pub (quoique). Mais pendant que vous admirez cet adorable chaton, votre ordinateur, votre tablette ou votre smartphone consomme de l’énergie, chauffe et use ses composants. Et lorsque ces composants seront usés, que ferez-vous ? Vous achèterez un nouvel appareil. Et le cycle recommencera : extraction de métaux, consommation d’eau, d’énergie, production de déchets électroniques… pour cliquer sur un chat qui clignote.

Le contexte actuel contraint d’adapter ses modes de production et de consommation. Il y a urgence à repenser notre approche du numérique. Cela tombe bien, c’est déjà fait.

L’éco-conception : le futur du numérique sera vert

L’éco-conception, c’est l’idée de concevoir des services numériques en prenant en compte leur impact environnemental tout au long de leur cycle de vie. C’est une approche qui vise à réduire l’empreinte du numérique tout en offrant des services de qualité.

L’éco-conception, c’est aussi une stratégie gagnante pour les entreprises. Que ce soit pour se conformer aux législations actuelles et futures, pour satisfaire un consommateur de plus en plus attentif à l’impact environnemental des marques qu’il soutient, ou encore pour fidéliser des écollaborateurs engagés, s’engager dans une démarche écoresponsable devient une nécessité.

L’éco-conception, c’est enfin une vision d’avenir. C’est la reconnaissance que le secteur IT, comme tous les autres, doit jouer son rôle dans la préservation de l’environnement et prendre la part qui lui incombe. C’est l’acceptation que chaque octet compte, et que chaque choix a un impact.

Dans un prochain article, nous explorerons cette démarche et découvrirons comment elle peut nous aider à naviguer vers un avenir numérique plus respectueux de l’environnement. Parce qu’après tout, qui a besoin d’un chaton clignotant en 4K ?


Article suivant